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Quand la presse malienne se penche sur la Rentrée littéraire du Mali

Tour d’horizon de la 5e édition de la Rentrée littéraire qui se tenait à Bamako du 24 au 27 février dernier à travers les quotidiens locaux. Revue de presse.

À Paris le Salon du livre a refermé ses portes. Mais sait-on qu’au Mali le livre avait aussi la part belle lors de la 5e édition de la Rentrée littéraire ? Elle se tenait à Bamako du 24 au 27 février dernier et les médias se sont mis à l’heure du livre.

Presse quotidienne (L’Essor, Les Échos, Le Républicain, L’Indépendant, Info-Matin, Le Combat parmi d’autres), radios ORTM, Kledu ou Radio Liberté pour ne citer qu’elles (dont un petit nombre de journalistes participaient à un atelier de journalisme proposé par les organisateurs) ont couvert l’événement sous des angles variés. Petit tour d’horizon.

Le jour même de la Rentrée, le quotidien national, L’Essor , enquêtait sur un paysage malien où le livre peine à se faire une place au soleil alors même que cette manifestation s’emploie à structurer le secteur et à donner le goût de la lecture au plus grand nombre.

Avec Thomas Sankara comme figure tutélaire de sa thématique «Osons réinventer l’avenir», Frantz Fanon a retenu l’attention des journalistes, grâce à la présence tout au long du festival d’Alice Cherki, proche de l’auteur des Damnés de la Terre et elle-même auteur d’un «portrait» de l’écrivain et psychiatre martiniquais.

Dans les lycées, les universités, à l’Institut français, les débats ont abordé de nombreux sujets, dont l’un a particulièrement attiré les médias maliens (et c’était avant l’attentat du 6 mars à Bamako) puisqu’il traitait des liens entre «religion, politique et culture».

L’Essor a rendu compte des propos que l’écrivain malien Ousmane Diarra a tenus à l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako devant un parterre d’étudiants.

« La culture est le soubassement de la politique et de la religion, estime-t-il.
 La politique et la religion s’appuient sur la culture, considérée comme leur racine.

Elles se nourrissent de la culture. L’occupation des régions du nord de notre pays n’est pas la première invasion islamiste au Mali. Celle-ci a existé dans l’empire songhaï, sous le règne de l’empereur Askia Mohamed. Il y a eu également d’autres guerres religieuses.

Pour moi, la séparation entre l’Etat et la religion est le gage d’une stabilité sociale incontournable dans notre pays. Pour que les individus soient tranquilles, il faut forcement séparer l’État et la religion », préconise Ousmane Diarra.

Au sein de l’équipe de la Rentrée littéraire, Fatoumata Keita est devenue dans plusieurs journaux la figure représentative d’un combat incessant pour la lecture en son pays, et de celui de l’écrivain malien. Elle s’est vu remettre à la clôture le prix Massan Makan Diabaté pour son roman Sous le fer (La Sahélienne-L’Harmattan).

Fatoumata Keita s’est confiée aux journalistes de L’Indépendant, de Combat et dans les grandes largeurs au journal Info-Matin. Son parcours est si éclairant que nous avons choisi de publier ci-dessous l’interview recueillie par

Abdoulaye Ouattara :

En marge des activités de la 5e édition de la rentrée littéraire, nous avons rencontré Mme Niaré Fatoumata Keïta, poétesse et écrivaine malienne, très connue auprès du grand public, notamment les fidèles auditeurs de la radio Chaine II de l’ORTM, dans l’émission

Le Coin des poètes. Appelée amicalement «la fille rebelle du Mandé» par les auditeurs de cette radio, Mme Niaré Fatoumata Keita nous parle de la Rentrée littéraire, de sa jeune carrière, prometteuse, de femme écrivaine. Aussi jette-t-elle un regard, avisé, sur les grands défis de la filière du livre dans notre pays…

Info-Matin : Bonjour, Mme Niaré Fatoumata Keita, que représente pour vous la Rentrée littéraire ?

Fatoumata Keita : En tant qu’auteur, je dirai que, l’année dernière, les aspirations des auteurs n’étaient pas tellement prises en compte.

Cette année, la rentrée littéraire a bien voulu accueillir un auteur parmi les organisateurs pour être un peu en contact avec les autres professionnels. C’est pourquoi, je suis là, ce matin, en tant qu’organisatrice au niveau de la Rentrée.

Cela dit, comme auteur, je dirais que la Rentrée, c’est le seul espace que nous avons aujourd’hui pour faire vivre le livre. C’est un espace de visibilité pour l’écrivain, vital pour la filière du livre. Cela mérite d’être perpétué. Quelles qu’en soient les insuffisances, moi, je pense que c’est bien de recommencer après une rupture.

Nous allons tous mettre nos efforts dans le panier pour que ça marche comme nous voulons. Et surtout le thème de cette année, «Osons réinventer l’avenir», est très évocateur. Je pense qu’on doit s’approprier cette problématique qui nous vient de Thomas Sankara.

De plus en plus, on ne lit plus. Pourquoi continuer à écrire malgré tout ?

Je ne suis pas pessimiste parce que je ne dis pas qu’on ne lit pas. C’est nous, la «génération foutue» qui ne lit plus. Il y a un autre type de Maliens qui est en train de clore.

Parce que j’ai eu la chance de tourner dans les lycées avec l’Institut français du Mali (ex-CCF), dans le cadre du Programme d’auteur dans les écoles du CCF qui avait pour but de distribuer 100 livres dans 10 écoles.

Dans le cadre de ce projet, 100 livres ont été achetés avec moi pour que je passe dans 10 lycées pour échanger avec les élèves.

Et la mission a constaté que, dans ces 10 écoles, les élèves avaient, effectivement, lu mes livres. Et dans chaque école, j’ai compris qu’environ 100 élèves m’avaient lue. Pour moi, c’est beaucoup. Après cette expérience, je ne peux pas dire qu’on ne lit plus.

Ici, il y a un club de lecture au cœur de l’Institut français qui invite tous les auteurs qui paraissent. Toutes les facultés du Mali sont représentées au sein de ce club, ainsi que les lycées. Dans ce club, ils prennent un livre qu’ils lisent. Ensuite, ils invitent l’auteur à venir pour lui poser des questions.

Donc je pense qu’il y a des pas qui sont en train d’être faits au niveau de la lecture au Mali. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire. Moi, je vais toujours écrire parce que j’écris pour le Malien d’aujourd’hui et de demain. C’est pour la postérité. Je pense que le Malien de demain sera meilleur que celui d’aujourd’hui du point de vue de la lecture. Ça dépend de ce que nous autres, auteurs et éditeurs, tous ceux qui sont dans la filière du livre, auront apporté comme contribution pour la promotion de la lecture et du livre.

Quels sont, aujourd’hui, les défis de la filière du livre au Mali ?

Les défis, c’est au niveau de l’édition, de la librairie et toute la filière du livre. Quand tu écris aujourd’hui, il faut mettre beaucoup de temps pour être publié. Je sais qu’il y a beaucoup de Maliens qui ont de bons ouvrages dans les tiroirs, mais qui ont des problèmes d’édition.

Il y a des problèmes d’édition, de promotion du livre, de distribution. Il y a même des problèmes de librairie. Dans un pays où la lecture est prise au sérieux, il doit y avoir beaucoup de bibliothèques. Au Mali, il nous manque des librairies. Après tous ces défis, il y a le problème de lecteurs. Donc il y a toujours des efforts à faire pour les problèmes de la lecture au Mali.

Comment faire aimer la lecture à la jeune génération ?

J’ai déjà commencé cela. Il deux ans que j’ai eu le projet d’un petit centre de lecture. Pour le moment, j’ai 40 jeunes dans ma classe à qui j’apprends à lire.

Dans ce centre, nous avons 200 à 300 livres. Les écoles qui sont proches du centre viennent prendre, souvent, des livres chez nous. Pour qu’un livre sorte, il faut que son lecteur nous ramène un résumé dudit livre. Et en fin d’année, on va donner un prix du meilleur lecteur à partir des résumés que nous avons reçus.

Même si l’élève a pris 10 livres, il nous donne les résumés de ces 10 livres, qui seront soumis à la commission d’évaluation. Je pense que cette expérience peut se transposer dans toutes les écoles du Mali, dans toutes les communes, dans toutes les villes du Mali. Cela peut être un facteur de grande promotion pour le livre.

Comment Fatoumata est devenue écrivaine ?

Fatoumata, c’est une personne qui a aimé l’écriture avant même le lycée. Une élève qu’on a appelée «la fille rebelle du Mandé», par ces poèmes qu’elle lisait à la Chaîne II de l’ORTM, chaque jeudi dans l’émission Le Coin des poètes. Et Fatoumata poétesse a évolué vers le roman.

Mon premier roman est paru en 2013 et s’appelle Souffert. Étymologiquement, ça veut dire avoir souffert et en bamanankan‘’Ka a Sigi Nèguè Koro’’. Ce livre a posé la problématique de l’excision chez nous. Il met aussi en exergue le contexte socioculturel dans lequel l’excision est pratiquée dans nos zones rurales, puisque c’est une pratique très enracinée dans les traditions et les coutumes.

Puisqu’on a dit qu’elle porte atteinte à l’intégrité physique de la femme, c’est à nous de trouver les mots justes pour le combattre. Des mots qui ne choquent pas. Car sensibiliser ne veut pas dire choquer, il s’agit de convaincre les personnes en touchant à leurs points sensibles.

S’il se trouve que les organismes et les ONG qui luttent contre cette pratique ont des mots qui choquent dans leurs discours, ça ne va pas marcher. C’est l’une des grandes problématiques de l’excision que j’ai posée dans Souffert. Mes écrits sont très généralement des écrits de circonstance.

Toutes mes meilleures œuvres sont des œuvres de circonstance. Après, je suis allée vers l’essai. C’est à la suite de la crise de 2012 que je me suis dit « pourquoi ne pas écrire un livre sur les types de violences perpétrées au nord du Mali. Ainsi est né l’essai Crise sécuritaire et violence au nord du Mali, qui fait la typologie des différentes violences perpétrées sur les populations au nord du Mali. Ensuite, il y a eu le recueil de poèmes, qui est mon livre en fait. Dans ce livre, il y a des poèmes de 1989, je n’avais que 13 ans.

De 1989 à maintenant, vous voyez combien d’années j’ai faites pour avoir un éditeur. C’est pour vous dire que l’écriture est une question d’amour, une histoire d’amour entre l’écrivain et la plume. C’est aussi une histoire de constance. Quand tu n’es pas constant, tu finis par abandonner.

Comment vient l’inspiration chez Fatoumata ?

L’inspiration, c’est comme le brut. Quand tu es inspiré, tu es comme possédé par le diable. Quand je suis dans mon inspiration, je ne vois pas mon mari, je ne vois pas mes enfants.

Et, au bout de cette inspiration, il y a le brut qui sort, le premier jet. Et du premier jet jusqu’au produit fini, il y a un chemin à faire. Avec mon prochain essai Quand les cauris se taisent, je suis à la 12e version.

Quels sont vos rapports avec les éditeurs ?

Avec les produits finis, on va chez les éditeurs. Et c’est l’occasion pour moi de saluer les éditeurs, même si j’ai trop souvent changé de maison d’édition. Ça se comprend. Et de saluer tous ceux qui s’intéressent au livre. Je veux parler des correcteurs.

C’est quelque chose de progressif, c’est comme une maison qu’on continue à parfaire. Et, finalement, le produit fini appartient à la fois à l’écrivain et à son éditeur qui peut, lui aussi, faire des propositions d’amendement. Entre éditeurs et écrivains, c’est comme une histoire d’amour où il y a des hauts et de bas ; il y a des accrochages, des moments de conflits.

Écriture-foyer-travail… Comment ça se passe ?

C’est vraiment difficile. C’est la volonté qui fait tout. Et puis il y a vraiment la compréhension de l’époux. Tu n’as jamais vu une femme épanouie sans la compréhension de son mari, encore moins une femme écrivaine. Si tu es toujours en conflit dans ton foyer, avec ton mari, c’est difficile de trouver l’écriture qui t’amène à produire.

Puisqu’en cas de conflit conjugal tu as la tête dans la résolution des problèmes du foyer et non dans le livre. Donc ça dépend beaucoup du mari.

Moi je suis pour l’émancipation, je fais tous ces discours pour la femme ; je dis que tous les hommes ne sont pas des démons. C’est grâce à eux que nous évoluons. Et pour vous dire, en conclusion, que malgré tous ces efforts je vous avoue que je ne vis pas, pour le moment, de mes œuvres.

Source : lepoint

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