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Le jihad nouvelle génération

Enquête : Partis de l’Hexagone, de plus en plus d’islamistes radicaux, recrutés ou formés sur le Net, se font arrêter en direction du Mali ou de la Syrie.

Depuis le cruel loupé de Mohamed Merah, qui a tué en mars 2012 des enfants juifs et des militaires au nom d’Al-Qaeda, les terres de jihad se sont étendues, les islamistes radicaux français se sont multipliés et les profils de ces «combattants» se sont diversifiés.

A 58 ans, Gilles Le Guen, natif de Nantes, ancien bourlingueur de la marine converti à l’islam dans les années 80 sous l’alias d’Abdel Jelil, reste le plus atypique. Echoué en 2010 au Mali avec sa femme et ses cinq gosses, ce «marginal», selon ses mots à l’Express, dit avoir suivi «le chemin tracé par Oussama ben Laden et un entraînement militaire à Tombouctou», puis a combattu sous la bannière d’Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi) contre l’armée française. Arrêté puis expulsé, cet «ex-soixante-huitard utopiste», «illuminé», selon un policier, a été mis en examen vendredi pour «association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste».

Si Gilles Le Guen revendiquait haut et fort son engagement y compris sur une vidéo d’Aqmi, enturbanné de noir, djellaba beige et kalachnikov, trois apprentis jihadistes d’Orléans (Loiret), interceptés au Pakistan fin mai 2012, cachaient bien leur jeu. «Inconnus des services de police et de renseignements», selon un magistrat, ces musulmans qui fréquentaient la même mosquée dans le quartier pauvre de l’Argonne à Orléans, sont partis soi-disant en voyage à La Mecque, en Arabie Saoudite, en janvier 2012. Mais, cinq mois plus tard, c’est au Baloutchistan, province reculée du Pakistan et bastion des talibans, qu’ils sont arrêtés à bord d’un bus, en compagnie du Franco-Algérien Naamen Meziche, 42 ans, devenu recruteur pour Al-Qaeda. Rapatriés à Paris début avril et écroués pour «association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste», Mohamed el-H., 29 ans, père de trois enfants et ancien chauffeur-livreur, Mehdi H., 26 ans, conducteur de bus à Orléans et Grégory B., 28 ans, sans emploi, n’ont pas véritablement expliqué le but de leur voyage via la Turquie et l’Iran, si ce n’est «approfondir leurs connaissances religieuses», selon une source judiciaire. Un seul a admis qu’il s’agissait «d’aller combattre en Afghanistan» aux côtés des rebelles talibans contre les forces de l’Otan, y compris françaises.

Sédentaires. Si pour Loïc Garnier, patron de l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat), la zone afghano-pakistanaise a «perdu, depuis la mort de Ben Laden, de son attractivité», «le véritable phénomène, aujourd’hui, c’est la Syrie, où les jeunes islamistes radicaux ont le sentiment de mener un combat légitime pour renverser un dictateur sanguinaire et se retrouvent sous la houlette de leaders jihadistes». Le commissaire redoute que «la centaine de jeunes Français» qui se trouvent déjà en Syrie (ou sont en attente à la frontière turco-syrienne) ou projettent de s’y rendre ne reviennent un jour sur le territoire pour y perpétuer le jihad.

Sans compter les sédentaires qui se radicalisent dans leur coin en France. Le criminologue Alain Bauer les appelle les «jihadistes 2.0», ces activistes islamistes du XXIe siècle qui «se forment et s’entraînent sur le Net». Selon Loïc Garnier qui, alors à la brigade criminelle de Paris, avait enquêté en 1994 sur les premiers extrémistes de La Courneuve (Seine-Saint-Denis) ayant commis l’attentat de Marrakech, au Maroc, et sur le réseau algérien de terroristes du Groupe islamique armé (GIA) de 1995, «on est passé de l’enrôlement dans les salles de prières et les mosquées à l’embrigadement via Internet». Alarmiste ou réaliste, le patron de l’Uclat estime que «nous avons sur notre sol des dizaines de Mohamed Merah en puissance capables de passer à la vitesse supérieure en trois jours, en réalisant les recettes d’engins explosifs tirées d’Inspire ou d’autres sites islamistes vénéneux».

En tout cas, deux groupes de jeunes jihadistes démantelés en six mois possédaient des produits nocifs et du matériel pour fabriquer des bombes. La «cellule» dite de Torcy (Seine-et-Marne) et de Cannes, composée de huit jeunes gens convertis dont certains ont lancé une grenade contre une épicerie casher à Sarcelles le 19 septembre, s’articulait autour de deux copains ayant grandi quartier du Mail à Torcy : l’Antillais Jérémy Louis-Sidney, 33 ans, parti à Cannes (tué le 6 octobre lors de son arrestation à Strasbourg) et Jérémie Bailly, 25 ans, «un petit blond de 1,60 m qui s’habille en sportif et s’est converti en 2009 sous le nom d’Abderahmane», explique l’imam Abdelali de la mosquée Rahma de Torcy, pour qui «ces garçons gentils, mais instables, se cherchaient». Il n’empêche que le box de garage de Jérémie Bailly recélait 6 kilos de nitrate de potassium, du soufre, une cocotte-minute, des ampoules de phare, des clous et des réveils. Si l’on en croit une source judiciaire, «un sac à dos d’enfant contenant encore de l’explosif a également été découvert. Ce cartable aurait pu servir à dissimuler une bombe, ce qui, sans catastrophisme, nous a laissé craindre l’imminence d’un attentat». Le procureur de la République de Paris, François Molins, avait déclaré que «ce groupe terroriste est probablement le plus dangereux mis au jour depuis 1996 en France».

Amateurs. Depuis, un autre groupe a émergé à Marignane (Bouches-du-Rhône), mi-mars, composé de deux hommes de 18 et 20 ans, et de leur cousin de 26 ans, un prothésiste dentaire qui devait servir de «chimiste». Le comportement de ces garçons exaltés et peu discrets qui glorifient Mohamed Merah, se mettent en scène sur Facebook, envoient un mail menaçant au président Obama ou déploient un drapeau jihadiste sur la façade de leur immeuble, incite pourtant à penser qu’il s’agissait de pieds nickelés. Mais la découverte chez eux de 50 grammes de TATP (un explosif très puissant), de 150 kg de nitrate, de 2 litres d’acétone, de deux pistolets automatiques et d’un revolver, a poussé le procureur à contrecarrer l’hypothèse d’amateurs passifs : «En droit commun, on a aussi des jeunes qui passent du jeu vidéo PlayStation à des attaques à l’arme lourde.» A l’occasion de l’arrestation du groupe de Marignane, François Molins a expliqué le 11 mars que, depuis Merah un an plus tôt, «il n’existe pas de profil-type de jihadistes radicalisés sur notre territoire, certains ayant un passé judiciaire de droit commun et purgé des peines de prison, – mais ce n’est pas toujours le cas -, certains issus de familles destructurées, d’autres non. Si certains quittent le territoire, d’autres se préparent sur notre sol».

Pour Loïc Garnier, le patron de l’Uclat, les jihadistes actuels ont toutefois des profils quasiment identiques à ceux des années 90 : «soit des convertis, soit des musulmans d’origine», «pour la plupart en situation économique défavorable et dotés d’une éducation religieuse intégriste extrêmement pauvre, nourrie essentiellement par Internet». La différence, c’est que ces soldats d’Al-Qaeda sont «globalement plus jeunes» et, surtout, «plus nombreux sur le territoire français», ce qui rend «leur détection plus difficile par les services».

Le parcours de Khaled Kelkal, recruté en 1995, à 24 ans, par un émir du GIA pour poser des bombes contre la France «impie» et son président de la République, Jacques Chirac, refusant de se convertir à l’islam, ressemble à s’y méprendre à celui de Mohamed Merah, 23 ans, qui a porté la guerre sainte à Toulouse en 2012 au nom d’Al-Qaeda. Tous deux fils d’Algériens ayant grandi dans des quartiers défavorisés, Kelkal aux Minguettes, dans la banlieue de Lyon, Merah aux Izards à Toulouse, ces deux islamistes armés ont également commis de multiples délits de droit commun qui les ont conduits en prison, avant de se radicaliser : «Merah n’est que le décalque de Kelkal», souligne le criminologue Alain Bauer, qui les a baptisés les «gangsterroristes» ou jihadistes «hybrides» : «Ces délinquants qui pratiquent le vol à main armée, le trafic de voitures, continuent sous couvert d’Al-Qaeda. A un moment, dans leur esprit confus, au lieu de se renier, ces êtres trouvent une cause qui leur permet de poursuivre leur activité criminelle, façon d’atteindre croient-ils la rédemption.»

Fatwa. Les «jihadistes 2.0» de Torcy et de Marignane ayant rassemblé des ingrédients pour fabriquer une bombe «voulaient agir en France, appliquant les principes du jihad», confirme Loïc Garnier, à savoir «où que tu sois, frappe l’ennemi, le mécréant, avec les moyens du bord». Les services de lutte antiterroriste sont sur les dents car «à la merci d’un esprit fragile qui passe à l’action, seul ou en groupe». Le loupé de Mohamed Merah, pourtant détecté et surveillé par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) en raison de ses séjours dans la zone sensible afghano-pakistanaise, a conduit la police et la justice antiterroriste à intervenir désormais plus tôt, «plus en amont, et à ne plus prendre aucun risque», explique un magistrat.

Le ratage de Mohamed Merah relève aux yeux d’Alain Bauer «d’un problème culturel de la DCRI» : «Si les gens ne rentrent pas dans les cases – islamiste, barbu, ne boit pas, ne baise pas, ne sort pas en discothèque -, la DCRI est perdue.» Une vision trop simpliste du problème selon le commissaire Garnier, pour qui «Mohamed Merah n’est pas atypique dans son parcours mais dans sa capacité de dissimulation. Un jihadiste qui se camoufle à ce point-là, c’est extrêmement rare. Nous ne mettons pas les gens dans des cases. Au contraire, nous soupçonnons moins aujourd’hui le barbu en tenue religieuse traditionnelle». Depuis les attentats du 11 Septembre, les services de renseignements savent pourtant que les poseurs de bombe peuvent être rasés, fondus dans la société, vêtus à l’occidentale, consomment de l’alcool et même du porc, en raison de la fatwa lancée par Oussama ben Laden, pour mieux brouiller les pistes. La Fatwa de Ben Laden ou l’art de «la Taqqya», qui prône «la dissimulation de la pratique religieuse afin de ne pas être repéré».

Aux yeux du commissaire Garnier, le contexte international se prête à la multiplication de jihadistes, à commencer par «l’opération Serval au Mali, où l’armée française s’oppose à Aqmi» et «les nouvelles menaces d’Al-Qaeda contre la France». Le dernier communiqué, le 8 avril, d’Al-Zawahiri, le leader d’Al-Qaeda, vilipende en effet «la force croisée française qui opprime les musulmans au Mali». Mais, pour Loïc Garnier, si «l’état de la menace terroriste» en France et «contre nos intérêts à l’étranger reste élevé», elle demeure «sensiblement la même depuis deux ans, car nous étions visés en raison de la présence française en Afghanistan et aujourd’hui de celle au Mali».

Par PATRICIA TOURANCHEAU, pour Liberation.fr

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Modibo TEMBELY est co-administrateur de ce site web.

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