L’armée malienne aux portes de Kidal : un habitant témoigne

Le vent tourne à Kidal. En s’emparant de la localité d’Anéfis ce mercredi, l’armée malienne a fait sauter le dernier verrou bloquant l’accès à l’ultime bastion du MNLA au nord du Mali. Dans cette ville tenue depuis janvier par les forces touaregs désormais acculées, notre Observateur nous raconte la lassitude de la population qui n’aspire plus qu’à une chose : la paix.

Voilà plus d’un an que Kidal échappe au contrôle de l’État malien. Prise par les combattants indépendantistes touaregs du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) et les djihadistes d’Ansar Dine en mars 2012, puis occupée par ces derniers pendant neuf mois, la ville a été reconquise en janvier 2013 par le MNLA qui, entre temps, s’est rangé aux côtés des soldats français pour chasser ses anciens alliés du nord du Mali.

Pour le gouvernement malien, cette situation n’est plus tenable, d’autant plus qu’une élection présidentielle est prévue pour le 28 juillet. Des négociations ont donc été entamées avec les Touaregs sous l’égide du médiateur burkinabè Blaise Compaoré afin de permettre sa tenue. Elles doivent reprendre ce vendredi.

Mais sur le terrain, la tension monte. Le week-end dernier, le MNLA a procédé à des arrestations massives au sein des populations noires, au prétexte de débusquer des espions de Bamako. L’armée malienne, elle, accentue sa pression. Après avoir fait tomber la bourgade d’Anéfis située à une centaine de kilomètres de Kidal au terme d’une offensive éclair, elle est désormais aux portes de la ville.

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Issouf Kidal

« La peur a changé de camp »

Issouf habite Kidal.

Les choses ont évolué à Kidal. La peur a changé de camp. Après les arrestations massives de populations noires ce week-end et leurs expulsions vers Gao, celles-ci sont laissées tranquilles maintenant. Depuis l’offensive de l’armée malienne hier à Anéfis, le MNLA n’a plus de temps à consacrer pour les civils. Leur seul objectif maintenant est de contrer l’armée malienne. On voit les combattants du MNLA et du HCUA (Haut conseil pour l’unité de l’Azawad) remplir des pick-up pour se préparer à l’affronter. On a également vu certains de leurs hommes revenant d’Anéfis abandonner leurs uniformes pour se fondre dans la population [l’information n’a pas pu être recoupée par d’autres témoignages].

L’ambiance était très tendue hier. La population a eu peur que l’armée malienne rentre dans Kidal et qu’il y ait des combats de rue. La plupart des habitants sont restés chez eux, d’autres sont partis se réfugier dans les campagnes environnantes, en particulier les vieilles femmes. Rares étaient les commerces qui étaient ouverts. Le réseau téléphonique a été coupé [il a été rétabli pendant quelques heures jeudi, ce qui nous a permis de contacter cet Observateur]. Certains disent que c’est parce que le MNLA craint qu’il y ait des espions à la solde de l’armée malienne dans la ville et qu’ils lui révèlent leurs positions.

Aujourd’hui, la vie a un peu repris son cours, mais beaucoup de commerces restent fermés. Moi-même, je vais partir quelques jours à Gao en attendant que ça se calme.

Le moral est remonté depuis que l’armée française a appelé le MNLA à déposer les armes. Jusqu’à présent, on pensait qu’elle le soutenait. Tout le monde attend maintenant les discussions qui vont reprendre ce vendredi à Ouagadougou et espère qu’elles vont aboutir à la signature d’un accord. La grande majorité des habitants de Kidal souhaite le retour de l’armée et de l’administration malienne. Il n’y a plus rien ici, ni eau, ni électricité. La vie tourne au ralenti, les services hospitaliers fonctionnent mal.

Bien sûr, il y a de fortes tensions à l’égard du MNLA. Mais je crois que tout le monde veut la paix pour passer à autre chose et mettre fin à cette situation qui dure maintenant depuis plus d’un an.

Source : Observers.france24.com