Des actes évidemment répréhensibles peuvent parfois entraîner des prises de conscience salutaires. Le pillage des stocks alimentaires de l’ONG IEDA à Kidal le 6 juin dernier délivre un message essentiel.
Il s’agit d’un véritable désaveu envers la ligne dure d’une infime partie du HCUA, qui a sciemment mis en danger la population pour préserver la liberté d’action des terroristes, et des trafiquants de la région.
Beaucoup a été écrit ces derniers jours à propos du fonctionnement, ou plutôt du dysfonctionnement, de la gestion locale des ONG. Ne revenons pas là-dessus. Ce qui a été dit est exact et quelques individus de la frange radicale du HCUA sont coupables. Il n’en demeure pas moins qu’à leur niveau, les petites ONG font le maximum, avec le peu qui leur est laissé. Les racines du problème sont plus profondes.
A Kidal, la présence des forces internationales a perturbé la main mise d’Ansar Dine et des trafiquants sur la ville. La ville était devenue la plaque tournante d’un commerce lucratif de drogues, de combattants – qu’on devrait plutôt nommer des mercenaires -, et même d’être humains qui fuient la misère. Bien entendu le profit de ces activités échappe à la grande majorité de la population. A contrario, chacun peut observer combien la fortune de quelque uns ne cesse de s’accroitre. Les services administratifs, éducatifs et sanitaires que chacun est en droit d’attendre, eux se délitent.
La réouverture de l’aéroport de Kidal fin 2015 avait permis le désenclavement de la région, l’arrivée massive de l’aide humanitaire et un début de retour aux services de base. Intolérable intrusion pour Ag Ghaly et ses hommes de main. Rapidement, la consigne a été donnée à Cheikh Ag Aoussa d’interrompre cette dynamique. Sa femme s’en est chargée en instrumentalisant les populations qui ont été poussées à occuper la piste pour faire fermer l’aéroport. Les évènements qui suivirent sont tristement connus : deux morts à la suite des débordements organisés par Zeïna Wallet Ilady.
Depuis, toute activité a cessé sur la piste, avec des conséquences importantes sur le quotidien des Kidalois, notamment en termes de sécurité alimentaire. Des difficultés grandissantes dans l’acheminement de l’aide humanitaire, accentuées par l’insécurité due à l’activité des pseudo-djihadistes, ont fini par créer une situation de pénurie. La période de Ramadan est également connue pour être propice aux distributions arbitraires et clientélistes. Bien conscient de cette réalité, la population de Kidal s’est presque logiquement révoltée.
L’injustice appelle parfois des réactions extrêmes. Le pillage alimentaire en est une, qui fait éclater au grand jour l’échec de la gestion autocratique de la région de Kidal, et la cupidité d’un petit nombre de chefs de bandes, déguisés en responsables politiques.
Le 30 mai, la société civile kidaloise a marché pacifiquement pour réclamer la mise en œuvre immédiate des accords de paix ; ce premier avertissement n’avait pas suffi. Jusqu’où la population de Kidal et de l’Azawad devra-t-elle aller pour être entendue ? Ses intérêts doivent enfin passer avant tout le reste, il faut écarter d’urgence ceux qui la trahissent en permettant à l’aide humanitaire indispensable d’affluer à Kidal. Cheikh Ag Aoussa et ses complices doivent partir !
Paul-Louis Koné pour Malikahere