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Analyse juridico-politique de l’accord préliminaire de Ouaga

Suite à la publication de l’accord préliminaire de Ouaga pour la résolution de la crise actuelle de mon pays le Mali, la consternation et l’indignation d’un peuple abandonné, meurtri et fatigué de la politique politicienne de ses dirigeants ne se sont pas fait attendre.

De prime à bord, je ne peux que saluer cette initiative citoyenne et cette vivacité de la société civile qui avait tant manqué à notre grande Nation de jadis. Ces indignations s’articulent autour des questions telles que : la considération du MNLA comme étant une partie aux négociations, le cantonnement et le désarmement des rebelles, le respect de la souveraineté de l’État malien, l’entrée des forces de sécurité et de défense de la république à Kidal  et surtout la suspension des mandats d’arrêt lancés contres certains chefs rebelles au nom de la paix et de la réconciliation.

En tant que malien connaissant son histoire et voulant la justice pour son peuple et surtout animé d’un esprit patriotique et nationaliste, nous ne pouvons qu’être d’accord avec les opposants à cet accord tant décrié par les fils et filles du Mali de part le monde. Cependant, entant que juriste et de plus juriste international, je ne vois que très peu de faiblesses et de confusions à cet accord préliminaire et je considère d’autres problèmes plus graves qui mériteraient les mêmes attentions mais hélas. Il faut savoir que le Mali n’est pas la seule entité sur la scène internationale et que son droit n’est nullement aussi souverain que nous le croyons.

En effet, la république a ratifié presque tous les instruments et conventions internationaux encadrant le droit international des droits de l’Homme et du droit international humanitaire. Une fois ratifiés, ces conventions s’imposent à l’ordre juridique malien selon la Hiérarchie des normes et en vertu de l’article 116 de la constitution malienne ([1]).

Premièrement, le MNLA est considéré par ses instruments internationaux comme étant une partie au conflit armé en sa qualité de mouvement de résistance et de libération nationale pour des raisons variées ([2]). En vertu de cette disposition dont le Mali est l’une des Hautes signataires, seul le MNLA est une partie légale dotée de la capacité de négociation avec l’État malien.

Deuxièmement, l’ordre constitutionnel ainsi que la souveraineté du Mali ont bafoué pire encore piétiné avant même accord : le coup d’État, l’incapacité de nos autorités politiques et militaires d’assurer la sécurité et la défense de nos terres face à des groupuscules criminels et obscurantistes et surtout l’intervention française pour assurer l’ultime rôle régalien d’État : sa survie et la survie de son mémoire, de ses fils et de ses filles. Alors ne me dites pas que cet accord bafoue la souveraineté malienne, nous en avons perdue depuis le début de cette crise sans précédente.

Troisièmement, croyez-vous que la communauté internationale (ONU, UA, CEDEAO, France) laissera les maliens faire l’entrée à Kidal d’un claquement de doigts et imposer sa justice dans les conditions qui règnent souvent dans les conflits armés avec les exactions et les crimes de génocide en perspective. Les dispositifs de l’accord ne sont  pas étrangers  à cette pensée. En effet, avec le cantonnement et le désarmement des groupes armés de façon progressive avant la tenue des élections prévue pour 28 juillet prochain et l’entrée progressive de nos forces de sécurité et de défense en plus de l’entrée de l’administration malienne,  j’estime que le vœu de tous les maliens est exaucé dans la mesure où nous ne voulons pas des élections sans la libération de Kidal qui sera chose faite avec ces mesures.

Enfin, le plus grand point des indignations et consternations de tous les maliens est la suspension des poursuites judiciaires entamées par Bamako contre certains chefs rebelles. Le peuple malien à travers ses parlementaires, partis politiques, son procureur général et surtout sa société civile en général et la jeunesse en particulier crie à l’impunité et au non respect de l’indépendance de la justice avec l’interférence de l’exécutif dans les affaires judiciaires. Je comprends et connais parfaitement le sentiment d’un patriote, d’un souverainiste, cependant il ne faut point oublier que nous sommes en guerre et que la guerre n’est ni juste et saine. Nous ne pouvons pas exiger l’indépendance de la justice dans une période de guerre car même la constitution donne toutes autorités au pouvoir exécutif de prendre toutes les mesures nécessaires pour pallier à cette situation ([3]) y compris la suspension de ces poursuites qui ne veut nullement dire l’amnistie judiciaire.

Autrement dit, le gouvernement malien à travers la justice pénale internationale incarnée dans le dit accord par un comité international d’enquête, nous pouvons poursuivre tous les chefs rebelles et leurs associés soit pour crimes de guerre (le massacre de nos soldat à Aguelhock) soit pour crimes contre l’humanité (destructions des mausolées à Tombouctou déclarés faisant partie du patrimoine culturel de l’humanité).

Par ailleurs, tous les crimes commis contre l’honneur et la dignité du peuple seront punis en vertu des paragraphes 2 et 3 du même article controversé 17 du dit accord pour crimes de violation sexuelle et toutes autres violations graves au droit international des droits de l’Homme et du droit international humanitaire. Ces violations graves constituent ce qu’il est convenu d’appeler « le noyau dur » du droit international à respecter tant dans les périodes de conflit armé que dans les périodes de paix. Ce noyau dur comprend le principe d’inviolabilité (le respect de la vie de tout individu, de son intégrité physique et morale…), le principe de non discrimination et de la liberté religieuse, le principe de sûreté …. Tous les principes constituant ce noyau dur ont été violé par les chefs rebelles du MNLA soit de façon directe soit par association à des groupes terroristes.

A travers cette modeste démonstration, je n’estime pas qu’il y ait de l’impunité dans l’accord préliminaire de Ouaga mais les autorités politiques et judiciaires maliennes doivent s’adapter et changer les chefs accusations pour poursuivre les bandits, criminels et traîtres de la Nation afin qu’ils rendent comptes de leurs actes et actions qui ont mis en péril notre grande nation.

En outre, la grande interrogation autour de cet accord devrait être plutôt son silence dans le cas où son effectivité se sera pas totale avant les élections d’une part et si les élections ne se feront pas à la date convenue d’autre part.

En plus, nous devons demander, protester sinon exiger que ces élections tant souhaitées soient faites dans les conditions propices et que tous les fils et filles de la nation en âge de voter soient en mesure d’aller voter et choisir la personne capable de relever les défis présents et avenirs de notre pays car j’estime que nous sommes assez conscients et avertis de l’importance de ce processus de transition.

KOME Moctar
Étudiant chercheur en Relations internationales

 


[1] Article 116 : Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traité ou accord de son application par l’autre partie.
[2] Depuis 1977, et l’adoption du Premier protocole additionnel (PI), les guerres de libération nationale («… les conflits armés dans lesquels les peuples luttent contre la domination coloniale et l’occupation étrangère et contre les régimes racistes dans l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes,…» – pour reprendre la définition de l’art. 1 du PI) sont assimilées aux conflits armés interétatiques selon
[3] Article 50 : Lorsque les Institutions de la République, l’indépendance de la Nation l’intégrité du territoire national, l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier les pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exceptionnelles exigées par ces circonstances après consultation du Premier Ministre, des Présidents de l’Assemblée Nationale et du Haut Conseil des Collectivités ainsi que de la Cour Constitutionnelle. Il en informe la Nation par un message.
L’application de ces pouvoirs exceptionnels par le Président de la République ne doit en aucun cas compromettre la souveraineté nationale ni l’intégrité territoriale. Les pouvoirs exceptionnels doivent viser à assurer la continuité de l’Etat et le rétablissement dans les brefs délais du fonctionnement régulier des institutions conformément à la Constitution. L’Assemblée Nationale se réunit de plein droit et ne peut être dissoute pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels.

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Modibo TEMBELY est co-administrateur de ce site web.

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