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Mali/FMI : après les comptes, le décompte et les mécomptes (1)

Une équipe technique du Fonds monétaire international (FMI) vient de séjourner au Mali, avec en toile de fond, la vérification de l’acquisition de l’aéronef présidentiel et de certains marchés d’équipements et matériels militaires.

En cause, plusieurs dépenses incriminées qui ont été engagées ou réglées en violation présumée des règles de bonne gouvernance. L’exercice était formel, mais l’issue était prévisible.

En incipit, je veux faire deux précisions :

– Par principe, je suis opposé à toute idée de fragilisation des institutions de la République du Mali. Mes écrits et mes prises de position n’ont pas varié d’un iota sur ce point. Je trouve exaspérant, au surplus, j’en ai été indigné que depuis plusieurs mois le peuple malien ait été tenu et retenu en haleine par l’affaire d’un aéronef de seconde main acheté pour servir d’avion de commandement pour le chef de l’État. Et ainsi détourner les pauvres populations des priorités essentielles qui assaillent leur quotidien : la paix, la sécurité, le pouvoir d’achat, l’autosuffisance alimentaire, l’alphabétisation…

– Maintenant que les documents confidentiels et sensibles relatifs à ces différentes acquisitions ont été déclassés et audités, les professionnels doivent se prononcer avec un objectif précis : rectifier et ajuster ce qui peut l’être, annuler ce qui est inutile et sans préjudice, sanctionner ceux qui se sont rendus coupables d’infractions et surtout faire en sorte que de telles affaires ne puissent plus se reproduire. Et pour la prescription, elle est presque universelle : réviser les textes formulés en des termes indument larges et revoir le casting (les hommes et les femmes qui sont sensés les exécuter, les contrôler et les suivre). C’est la raison principale de mon intervention sur ce dossier.

Et les mécanismes d’alerte ?

Pourquoi avoir attendu que le Fonds monétaire international (FMI) ait décidé de geler ses décaissements au Mali, le temps de voir plus clair dans certains contrats publics, pour que le Gouvernement malien décide de faire mener des audits par ses propres structures de contrôle ?
Pourquoi certaines structures de contrôle dotées de pouvoirs étendus et disposant de moyens conséquents, malgré les révélations à profusion dans la presse locale, souvent avec force détails, relayées par l’opposition politique sur des irrégularités présumées dans la passation des contrats publics querellés, ne se sont pas autosaisies comme la loi malienne les y autorise ?
Je veux être précis en prenant l’exemple de trois structures centrales du dispositif de contrôle des comptes publics au Mali : la Section des Comptes de la Cour Suprême, le Bureau du Vérificateur Général et le Contrôle Général des Services publics.

– La Cour Suprême : Les dispositions de l’article 82 de la loi n° 96-071 du 16 décembre 1996, portant loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour Suprême et la procédure suivie devant elle, « la Section des Comptes peut, à tout moment, exercer tout contrôle soit de sa propre initiative […] ». Pourquoi la Section des Comptes ne s’était-elle pas autosaisie pour enquêter sur ces affaires qui agitaient pendant de longs mois le microcosme politico-médiatique malien et qui pouvaient constituer des menaces réelles pour les finances publiques ?

– Le Bureau du Vérificateur Général : La loi n° 2012-009 du 8 février 2012, abrogeant et remplaçant la loi n° 03-30 du 25 aout 2003 instituant le Vérificateur Général, stipule en son article 14 : « Le Vérificateur Général peut se saisir d’office de toute question relevant de sa compétence. » Pourquoi le Vérificateur Général, en tant qu’autorité administrative indépendante (article 1er), ne pouvant recevoir d’instruction d’aucune autorité (article 11) et disposant de l’autonomie de gestion (article 21), n’a pas diligenté une mission d’audit pour « contrôler la régularité et la sincérité des dépenses effectuées », de « vérifier les concours financiers accordés par l’État à tout organisme », en somme de contrôler les faits incriminés, présumés graves, pouvant entacher les comptes publics de la nation ?

– Le Contrôle Général des Services publics : L’Ordonnance n° 00-051/PRM du 27 septembre 2000 portant création de Contrôle général des Services publics (CGSP), dispose en son article 2 au titre de ses missions que le CGSP « effectue, à la demande de l’autorité hiérarchique ou sur initiative propre après consultation de ladite autorité, toutes enquêtes ou missions particulières ». Article 5 : « Pour l’accomplissement de leurs missions, les membres du Contrôle Général des Services Publics disposent du pouvoir d’investigations le plus étendu et du droit de se faire communiquer tout document qu’ils jugent utile. » Article 4 : « Le secret professionnel ne peut leur être imposé ». Le CGSP a-t-il pris cette initiative ? Sa hiérarchie (le Premier ministre) a-t-elle été saisie d’une telle initiative ?

Soyons clairs, il se peut que ces structures aient déjà usé de leurs prérogatives légales bien avant leur saisine par le premier ministre et que cette information n’ait pas été portée au public. Leur réaction peut donc précéder mes questionnements.

De façon plus générale, pourquoi les mécanismes du « système d’alerte » n’ont pas marché ? Les structures de contre-pouvoir fonctionnent-elles efficacement au sein de nos administrations publiques ? Au-delà de la pléthore de structures de contrôle, a priori et a posteriori, dont j’ai toujours proposé la rationalisation, pourquoi la « couronne » des chefs, composée de « fous du roi » et de « folles de la reine », de conseillers, de chargés de mission, d’attachés, de directeurs et de coordonnateurs (et j’en passe des meilleurs) n’a pas fonctionné ? Certains cadres ont-ils donné l’alerte ? Si oui, pourquoi n’ont-ils pas été écoutés et leurs légitimes inquiétudes prises en compte par leurs chefs ?
En définitive, il est regrettable que tous ces errements qui mettent à pilori la gouvernance malienne soient sous l’effet d’un diktat extérieur.

I) Points essentiels à retenir

1) Acquisition de l’avion présidentiel

– Le prix d’acquisition de l’aéronef arrêté par la Mission de la Cour Suprême s’élève à la somme totale de 19,033 milliards de FCFA. Il a été payé « cash » par le Trésor public malien en plusieurs tranches (entre le 15/01/2014 et le 1er août 2014).

– Pour la mobilisation de cette somme, le Ministre en charge des finances, ordonnateur principal du budget d’État, a eu recours à un emprunt à moyen terme (CMT) auprès d’une banque de la place à hauteur de FCFA 17 milliards (89 % du coût de l’investissement) au taux de 8 % sur une maturité de 5 ans (dont 1 an de différé). En sus de ce taux facial, la banque prêteuse a précompté FCFA 196 millions au titre de divers frais (commissions d’arrangement et de gestion, frais et accessoires). In fine, selon les compléments d’information fournis à la télévision nationale par le Président de la section des comptes de la Cour Suprême, le coût réel de l’emprunt bancaire sera de 22 milliards de FCFA.

– À ce stade d’information, suivant nos recoupements, le coût réel d’acquisition de l’avion présidentiel pour les comptes publics est de FCFA 24,196 milliards. Ce montant ne prend pas en compte les frais d’assurance et d’entretien éventuels que l’avion exposerait au cours de son exploitation normale.

– La Mission a noté que les paiements ont été faits sans s’assurer de la disponibilité des crédits budgétaires et de la validité de la créance (absence de certaines pièces justificatives nécessaires). Les paiements ont été faits en violation de plusieurs textes réglementaires qui exigent le visa du Contrôle financier et, relativement à l’emprunt bancaire, l’avis du Comité national de la dette publique.

2) Achat d’équipements militaires

– Les Conseillers de la Cour suprême ont enquêté sur trois contrats de matériels et d’équipements militaires dont les fournisseurs sont : Guo Star SARL, Paramount Ltd et Société A.D. Trade Ltd. Les paiements sont sur deux ou trois exercices. En réponse au rapport provisoire de la Cour Suprême, le Ministre en charge des Finances a informé la Mission de l’annulation des contrats de Paramount Ltd et Société A.D. Trade Ltd.

– Le premier contrat, non visé par le Contrôle financier, est toujours valide. Il porte sur un montant total de FCFA 69,184 milliards. Il s’étale sur 36 mois, à partir du 1er décembre 2013. Les paiements devaient se faire en deux tranches : 50 % payables au 31 mai 2015 et 50 % au 31 mai 2016 sur le Budget d’État. Le 30/12/2013 par courrier adressé au banquier de Guo Star, le Ministre de l’Économie et des Finances a donné une lettre de confort et a modifié le planning de paiement en s’engageant à payer 25 % du marché soit FCFA 17,296 milliards sur l’exercice budgétaire 2014. Or, selon les termes du Protocole d’accord (art. 35), toute modification devrait faire l’objet d’un avenant.
Pour la bonne fin de l’opération, l’État a accordé une garantie autonome de FCFA 100 milliards à la banque de Guo Star sans l’avis du Comité national de la dette publique et en violation du Code des Marchés publics (art. 19 à 23).

La saison des feuilles mortes

Le président qui avait voulu faire de l’année 2014, l’année de lutte contre la corruption et du réarmement moral des forces de défense et de sécurité, accuse le coup en attendant de donner des coups. Il sévira, à coup sûr, et sévira de façon ferme et exemplaire. Et nul ne sera épargné, même pas son propre entourage s’il est avéré que certains ont mis la main dans le pot de confiture.

Peut-être, vous me direz que c’est encore du « baga baga », traduisez du « bluff », du « slogan creux répété à satiété ». Non, cette fois-ci, je veux être convaincu que c’est du costaud. Il y va de la crédibilité du mandat que le peuple malien a confié au président de la République. Il a promis, dès les premières heures de son accession à la magistrature suprême, qu’il n’y aura « pas de partage de gâteau ! », que ce sera « Le Mali d’abord ! » Et son leitmotiv, plus qu’un slogan de campagne devrait être la marque de fabrique de sa gouvernance : « Pour l’honneur du Mali ! Pour le bonheur des Maliens ! »

À l’heure des comptes, le décompte pourrait surprendre. À écouter et à lire les Maliens de l’intérieur comme de la diaspora, les mécomptes pleuvent comme des hallebardes, tant les attentes sont nombreuses, tant les actions durables se font attendre. Et le chef de l’État n’est qu’au début de son mandat quinquennal. Il faut du côté du peuple un peu de patience, de la critique constructive, mais de l’engagement ferme et du côté des gouvernants, des hommes compétents et intègres, du rythme et de la cadence, des actes concrets et mesurables, de la justice et de la bonne gouvernance, de la cohérence et de la constance.

Et pour mettre tout cela en musique, il faut la paix, la sécurité et la réconciliation.

source : lesechos

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