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L’avenir politique au Mali : le pragmatisme et la vision

Dans la conjoncture actuelle, certains protagonistes sont incontournables au Septentrion. Mais il faut se garder de renouveler les erreurs du passé

« En période de crise, les gens ont besoin de certitudes raisonnables ». L’axiome avait été professé par notre confrère du quotidien La Stampa, Luca Ricoffi, au tout début des années 2000 dans l’analyse qu’il faisait de réalités italiennes absolument différentes de celles que nous connaissons actuellement dans notre pays.

Mais son jugement pourrait être sans peine récupéré et appliqué à la situation très particulière que nous traversons depuis janvier 2012 lorsqu’a retenti le premier coup de semonce, annonciateur des bouleversements à venir.

Aujourd’hui, ayant affronté des épreuves qu’ils auraient jugées inconcevables avant qu’elles ne nous accablent, nos compatriotes ont progressivement accepté une série de difficiles vérités. Ils ressentent également la nécessité d’acquérir de nouveaux repères pour s’orienter dans les réalités inédites qui vont être les nôtres pendant de longues années encore.

Ce dernier exercice doit cependant être mené sans verser dans l’excès. Il ne s’agit pas de remettre systématiquement en cause ce que nous ont apporté vingt-trois ans d’expérience démocratique, car une bonne partie de notre capacité de résilience en provient ainsi que l’a prouvé l’élection présidentielle de 2013 dont le climat apaisé avait étonné tous les observateurs et dont la réussite était allée au-delà des projections les plus optimistes.

Il ne s’agit pas non plus de minimiser l’importance des victoires remportées sur les djihadistes, car ces dernières restituent à notre nation le droit à l’avenir, quel qu’incertain que puisse être encore celui-ci. Enfin il ne s’agit pas de mettre en doute les ressources du vivre ensemble malien, soumis à très rude épreuve, mais qui ne s’est pas défait et qui offre jusqu’à présent le socle pour une patiente réconciliation des esprits.

Voilà quelques-unes des certitudes raisonnables que nous devrions apprendre à nourrir en ces temps où l’enchevêtrement brutal des événements incite fréquemment au désarroi. Mais d’autres convictions restent à forger. La plupart d’entre elles naîtront d’un effort d’évaluation critique de tout ce que nous avons enduré au cours des quatre-cinq dernières années. Le travail d’analyse et de réflexion sur les évènements et sur les phénomènes survenus dans la période ci-dessus citée reste encore partiel et malheureusement dispersé.

Mais tout incomplet qu’il soit, il dégage déjà un certain nombre d’évidences. Dont la première pourrait être le constat selon lequel les séquelles laissées par la dégradation catastrophique de l’autorité de l’Etat entre 2010 et 2012 sont beaucoup plus graves qu’on ne le pensait. Et que la rançon la plus lourde a certainement été et reste toujours payée dans notre Septentrion.

Encouragé par l’effacement de plus en plus accentué de la puissance publique, un nouvel ordre des choses s’était en effet imposé au Nord du Mali. Avec ses hommes forts qui étaient devenus incontournables et intouchables. Avec ses réseaux d’influence qui ne faisaient mystère ni de leur existence, ni de leur poids. Avec son économie grise triomphante au point de ne plus craindre l’ostentation. Et avec, en toute logique, les entités armées qu’a secrétées le nouveau système.

LES ENTENTES TACITES ET ABRACADABRANTES.

La rébellion et l’occupation djihadistes sont venues accentuer davantage les effets « déstructurants » que ces phénomènes ont produits dans les Régions du Nord. Aujourd’hui que s’entament l’œuvre de reconstruction et les opérations de sécurisation, il est devenu quasiment impossible d’ignorer l’importance des mutations occasionnées et dont certaines seront difficilement réversibles, la profondeur de la déstabilisation infligée aux structures sociales traditionnelles et la complexité des réparations à apporter.

Les événements qui se sont succédé ces dernières semaines démontrent qu’au Septentrion, les réalités sur le terrain doivent être abordées avec pragmatisme, mais aussi vision et détermination. Pragmatisme, parce que les limites actuelles de l’Etat malien et les lacunes de l’intervention internationale ne laissent d’autres choix que celui de s’accommoder de certains accompagnements à condition que ceux qui les proposent s’inscrivent dans la logique de l’unité nationale, de la paix et de la réconciliation.

Vision pour se garder de retomber dans les ententes tacites et abracadabrantes qui avaient vu l’Etat, dans un passé récent, abandonner à des milices les missions de défense et de sécurité qui auraient dû être réservées de manière inaliénable à nos forces nationales.

Détermination à maintenir fermement notre cap ultime qui est de faire reprendre par les FAMa aussi vite que possible les opérations de sécurisation du territoire national interrompues par les évènements de Kidal. En attendant que revienne la normalité souhaitée, il convient de gérer en toute lucidité et en toute vigilance ce que dans une précédente chronique nous désignions comme les « réalité changeantes du terrain » et que symbolise d’une certaine manière l’affaire Ould Daha.

Rappelons que le principal intéressé, aujourd’hui responsable au MAA, avait été interpelé par les forces françaises qui voulaient l’interroger sur son éventuelle implication dans l’attentat du 14 juillet dernier et qui l’ont finalement remis aux autorités maliennes. Relâché faute de charges retenues contre lui, Ould Daha avait tenu à se disculper entièrement dans deux interviewes. L’une passablement décousue accordée à Jeune Afrique.

L’autre beaucoup plus habile et structurée, publiée par notre confrère, Le Témoin. En lisant entre les lignes, il est facile de reconstituer le parcours de l’intéressé. Responsable dans une milice arabe et dédié à des causes sur lesquelles il ne s’est guère étendu, il a été ensuite un compagnon de route du MUJAO auquel il se serait rallié par instinct de survie, mais sans jamais – assure-t-il – avoir posé d’acte hostile aux forces armées maliennes. Aujourd’hui, le responsable du MAA se déclare farouchement opposé au projet d’autonomie qu’il prête au MNLA et dévoué à la défense des intérêts du Mali.

LOYALISTES DE LONGUE DATE.

La profession de foi de Ould Daha est à prendre pour ce qu’elle vaut. Mais l’attitude de l’intéressé résume parfaitement les trajectoires contradictoires que prennent souvent les intérêts de certains acteurs dans le Nord du Mali. Le MUJAO et AQMI avaient, eux aussi, exploité les relations mouvantes que les groupes armés entretenaient entre eux et avec les communautés. Le premier pour capter des jeunes de communautés d’éleveurs séduits autant par les avantages financiers que par la protection offerte contre les voleurs de bétail.

La seconde pour proposer au MNLA de l’aider à donner corps à sa « République de l’Azawad ». Le caractère fragile et souvent opportuniste de certaines alliances s’est encore vérifié après les succès remportés par l’opération Serval, lorsqu’une partie du MAA s’était insurgée contre les pillages perpétrés contre les commerçants arabes par les éléments se réclamant du MNLA, mouvement qui était pourtant son partenaire lors de la signature de l’Accord préliminaire de Ouagadougou. C’est à cette branche du groupe armé arabe qu’appartient Yoro Ould Daha.

Ces différents mouvements de pendule rendent-ils plus compliqués les pourparlers de paix ? Indiscutablement et on l’a déjà vérifié lors des discussions sur la feuille de route lorsque le HCUA et le MNLA ont refusé de s’asseoir à la même table que ceux qu’ils considèrent désormais comme des adversaires, c’est-à-dire le MAA tendance modérée et la Coalition du peuple pour l’Azawad (dissidence du MNLA dirigée par Ibrahim Ag Mohamed Assaleh). Aujourd’hui, la tension monte d’un cran avec la formation du Groupe d’autodéfense touareg Imrads et alliés (GATIA).

Qu’est ce qui a poussé les Imrads , loyalistes de longue date et alliés jusqu’ici silencieux, à se positionner comme une force distincte dans les négociations de paix ? Certainement pas la crainte de se voir négligés par l’Etat malien auquel son premier responsable, Fahad Ag Almahmoud, a réaffirmé son attachement. Plus probablement la rancœur d’avoir subi au lendemain du revers de Kidal les vexations et les représailles des groupes armés supposés «vainqueurs» sans que ne s’interposent vigoureusement les éléments de la MINUSMA.

Plus probablement aussi la volonté de se mettre à égalité de représentation avec le MNLA que le GATIA juge ne lui être supérieur ni en qualité militaire, ni en représentation au sein de la population. Plus probablement enfin la défiance nourrie à l’égard de certains membres de la médiation soupçonnés par le Groupe de complaisance envers la troïka MNLA-HCUA-MAA tendance radicale.

La création de groupes rivaux ou contestataires ne constitue cependant pas un phénomène nouveau dans la rébellion. Dans les années 1990, le trio majeur constitué par le Mouvement patriotique de l’Azawad (MPA), le Front islamique arabe de l’Azawad (FIAA) et le Front populaire de libération de l’Azawad (FPLA) avait vu son exclusivité remise en cause par trois autres groupes : l’Armée révolutionnaire de libération de l’Azawad (ARLA) constituée de dissidents du FPLA et du MPA, le Front uni de libération de l’Azawad (FULA) composé en majorité d’éléments Kel Antsar et le Front national de libération de l’Azawad (FNLA) qui se voulait représentatif des intérêts des Doushaq. Le premier réussit à se faire admettre dans la coordination des Mouvements et fronts unifiés de l’Azawad (MFUA), mais pour avoir continué à contester le leadership de Iyad Ag Ghali, il se fit infliger une déroute militaire définitive en 1994.

AU CŒUR DE LA CONTRADICTION SECONDAIRE.

Les deux autres groupes qui reposaient sur les bases tribales très étroites et ne disposaient pas de véritable capacité de mobilisation n’obtinrent jamais voix au chapitre et enregistrèrent assez rapidement le départ des plus influents de leurs éléments vers les groupes dominants. Aujourd’hui, la question de préséance s’avère plus difficile à trancher puisque le MNLA, le HCUA et le MAA radical ne possèdent pas cette indiscutable légitimité historique et cette force d’implantation dont pouvaient se prévaloir le MPA, le FIAA et le FPLA.

La tâche déjà ardue de la médiation pourrait donc s’alourdir d’une complication supplémentaire lors de la reprise du processus de négociations le 1er septembre prochain.

En attendant, c’est bien l’opinion malienne qui se trouve désorientée entre les apaisements donnés par le gouvernement et les signaux de tension lâchés par certains groupes armés, notamment le MNLA et le HCUA dont l’une des préoccupations est de ne pas laisser submerger par le nombre de participants lors des négociations à Alger.

Le contexte actuel fait que nos compatriotes prêtent une attention moins attentive au message particulier délivré sans relâche par le Haut représentant du chef de l’Etat pour le dialogue inclusif inter malien. Usant de la plus grande marge de plaidoyer dont il dispose (puisque n’étant astreint à aucune obligation institutionnelle de réserve), l’ancien Premier ministre insiste tout particulièrement, dans les rencontres qu’il anime, sur l’indispensable ouverture de ses concitoyens au compromis. Modibo Keïta met l’accent sur ce point, car il pressent que de lui proviendra certainement pour les autorités l’une des principales difficultés dans la gestion de la période post accord de paix.

Le travail de persuasion du Haut représentant paiera-t-il ? Il faut souhaiter que oui. Car la réapparition de Iyad Ag Ghali dont le discours s’est radicalisé pendant sa longue retraite et la succession des attaques meurtrière contre la MINUSMA confirment ce qui avait été prédit par tous les spécialistes au lendemain de l’offensive victorieuse menée par Serval, les troupes africaines et les FAMA. La guerre allait changer de visage et d’intensité, mais elle serait longue et, par phases, éprouvante à l’extrême pour les populations.

En la menant, il faudrait sans doute remettre dans toutes les mémoires un principe proposé par le matérialisme dialectique qui dans le traitement des situations critiques établissait une distinction entre les contradictions particulières (ou secondaires) et les contradictions principales. Et qui préconisait de résoudre rapidement les premières pour concentrer un maximum d’efforts sur les secondes.

Dans la situation malienne, la conciliation avec les groupes armés serait au cœur de la contradiction secondaire et le combat contre le terrorisme, de la principale. Telle est la certitude raisonnable à laquelle notre opinion doit se faire. Mais il conviendrait de ne pas sous-estimer la difficulté qu’il y aura à faire adhérer nos compatriotes à cette vision. Car le poids des préventions reste important. C’est pourquoi le rassemblement la semaine passée des communautés à Tombouctou est à saluer à son juste mérite. Car il confirme le principe selon lequel là où se manifeste une volonté, existe un chemin. Tout difficultueux soit-il.

NB – Dans notre chronique du 4 août dernier nous avions écrit que les parties indiquées dans la feuille de route étaient le gouvernement malien et les signataires de la Déclaration d’Alger (MNLA, HCUA et MAA tendance radicale). En fait, il faut y ajouter les signataires de la Plateforme d’Alger, c’est-à-dire la Coalition du peuple pour l’Azawad, la Coordination des mouvements et forces patriotiques de résistance (regroupant les mouvements armés sédentaires) et le Mouvement arabe pour l’Azawad (tendance modéré).

Ces trois groupes armés ont signé la même feuille de route, mais en un document distinct de celui de la Troïka qui avait refusé de s’asseoir à la même table qu’eux. La seule différence entre les deux documents est que les signataires de la Plateforme ne contestent pas la légitimité des signataires de la Déclaration et incluent ces derniers parmi les parties recensées par la feuille de route. Nous remercions nos lecteurs qui nous ont très vite apporté cette précision.

Source: Essor

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